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Karine Grimaldi, un combat perpétuel

18 ans. Un âge où la vie nous sourit, le monde est entre vos mains et les soucis ne sont que futilités. C’est pourtant à cet âge que Karine Grimaldi a perdu sa sœur et sa motricité. Présente à Furiani ce soir-là, la jeune femme n’oubliera jamais. « Comme si c’était hier ».

 

« Un gros souffle puis l’aspiration. » Quand la fête se transforme en drame. Partie au stade avec sa sœur pour voir le Sporting gagner, Karine Grimaldi a tout perdu. « Au moment d’arriver avec ma sœur au stade, les tribunes étaient pleines, on a dû changer d’emplacement et se mettre tout en haut. Tout le monde chantait, tapait des pieds mais moi je n’étais pas confiante à cause de la hauteur. » La tribune s’effondre, emportant tout avec elle. La jeune femme ne se rend pas compte de ses blessures. Elle cherche sa sœur, disparue de son champ de vision. « Au moment où on évacuait ma sœur, on a mis la main sur mon visage pour me protéger. » Evacuée à Marseille, Karine apprend très vite sa paralysie et surtout la perte de sa sœur. Trois semaines de réanimation à la Timone, plus d’un an à Marseille où elle résiste à la mort. « Les médecins disaient à mes parents "elle est bleue ce matin, on ne peut plus rien faire." » Finalement sa force mentale fait la différence. Dès le début, la volonté de combattre, prend le dessus sur le chagrin. Travailler sans cesse pour retrouver une motricité mais aussi pour des parents déjà meurtris par la douleur. « Je n’avais pas envie de mourir à ce moment-là. » Voilà le discours d’une femme prête à tout pour retrouver une place dans la société. « Passer son permis, aller faire ses courses… » Des choses simples mais si lointaines à l’époque.

 

« Chacun vivait son malheur dans son coin »

La création du collectif des victimes intervient dans la foulée. Karine Grimaldi en est l’une des pionnières. Les portes fermées, les pressions et l’ignorance du reste de la société sont sa réalité. « À l’époque, personne ne se sentait concerné, surtout en Corse. Chacun vivait son malheur dans son coin. Pendant qu’on faisait l’effort d’entretenir la stèle, d’autres la laissaient à l’abandon, ne s’en préoccupaient. J’aurais aimé que toutes les victimes soient là. Avec un élan de la société corse, un soutien populaire, on n’en serait pas là. Mais beaucoup n’ont pas joué le jeu. Des personnes se garaient sur la stèle, dans l’irrespect le plus total. » Aujourd’hui, elle est fière du travail accompli par les jeunes dans le collectif des victimes. Un relais bienvenu entre l’ancienne et la nouvelle génération.

 

Éduquer et informer les jeunes

Sur la question de la sacralisation, elle souhaite une journée de souvenirs mais « pas forcément une date sans matchs de football, peut-être faire des challenges avec les jeunes pour les éduquer, les informer. » Mais celle qui vit aujourd’hui à Linguizzetta, dans la plaine orientale, n’est pas dupe. « Vivre sur un fauteuil, c’est toute l’année. Pour moi, je n’ai pas besoin d’une date pour me rappeler de ce jour à chaque moment de ma vie. » Comme une évidence, Karine Grimaldi ne peut plus aller au stade, elle n’y est d’ailleurs plus retournée depuis la catastrophe. « Quand je vois les ambiances de foot à la télé, je suis oppressée, je ne me sens pas bien. Dans la vie de tous les jours, quand j’entends certains bruits comme la ferraille, je me sens partir. Comme si c’était encore hier. »

 

En parler pour ne pas oublier

Pour toute cette souffrance, elle s’est toujours battue, « avoir la foi, prendre le dessus, ne pas se résoudre… », des mots caractéristiques d’une vie, d’une bataille quotidienne. Même si les personnes en charge du dossier politique et sportif ont changé, Karine n’a pas plus d’espoir. « Ils ont fait quelque chose pour les 20 ans (ndlr : le président de la FFF, Noël Le Graët, était venu rencontrer les victimes), mais moi je les aurais envoyé se faire voir. Ça serait tellement simple de faire un geste définitif, une manière de dire "on comprend vos douleurs, on vous donne cette journée". Ça fait plus de 20 ans que l’on demande ça, on n’arrive pas à comprendre. C’est juste une date dans un calendrier. » Avant de s’en aller récompenser des enfants pour un tournoi de football, elle conclut sa pensée. « Il faut toujours se battre, c’est usant, mais il faut en parler pour ne pas tomber dans l’oubli. »

Furiani   05/05/92

 Une plaie encore ouverte

Karine Grimaldi a perdu sa motricité dans la catastrophe de Furiani.                                                                                                                                             Canal+)

« Je n'avais pas envie de mourir à ce moment-là. »

« Ils ont fait quelque chose pour les 20 ans. Je les aurais envoyés

se faire voir. »

Karine Grimaldi est l'une des pionnières du collectif des victimes.           (© DR)

Santa Grimaldi, la sœur de Karine, fait partie des 18 personnes décédées lors de cette tragédie.                                                                             (© Pétition Furiani)

© 2014 par Antoine Giannini & Pierre Marsal

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